LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE
Par le capitaine de
vaisseau Geeraert, Chef du bureau "Sécurité techniques
avancées"
État-major de la Marine
Sûreté et fiabilité - La défense en profondeur - Le facteur humain - Protection de l'environnement -
Un bâtiment à propulsion nucléaire est un navire dont l'efficacité opérationnelle est considérablement plus grande que celle de son homologue à propulsion classique mais au prix d'une architecture navale spécifique.
D'un coté, la fiabilité de fonctionnement d'un réacteur nucléaire participe à la sécurité du navire. Réciproquement, la fiabilité et la sécurité du navire conditionnent de façon importante la sûreté des chaufferies nucléaires embarquées.
Comme pour les centrales nucléaires à terre, les préoccupations de sûreté pour les chaufferies embarquées sont prises en compte très en amont des études de conception et assurément pendant leur réalisation, leur mise en service, leur exploitation (conduite et maintenance) et aussi leur déclassement.
Les différentes situations du bâtiment sont étudiées : en mer, au mouillage ou en période d'entretien. Ainsi, les "systèmes" que représentent la chaufferie, le navire, l'environnement industriel pendant les périodes d'entretien et, enfin, la mer, ont des interactions qu'il convient d'analyser en termes de prestations mais aussi d'agressions potentielles.
La sûreté nucléaire a pour objectifs d'identifier les incidents et accidents possibles, de calculer leurs probabilités d'occurence et d'étudier leurs conséquences de façon à définir des parades efficaces.
La défense en profondeur
Les instances de sûreté s'appuient sur le concept de défense en profondeur. Ceci signifie que vis-à-vis des risques liés à la présence du réacteur nucléaire, il a été défini quatre lignes principales de défense :
Les fonctions de sûreté de toute chaufferie nucléaire permettent de contrôler la réactivité du coeur, d'évacuer l'énergie du combustible et de confiner les produits radioactifs.
Ces fonctions doivent être assurées simultanément et en toutes circonstances. Des exigences draconiennes sont fixées lors des phases de conception, de fabrication et d'utilisation des matériels : le programme assurance-qualité permet de suivre le respect de ces exigences.
Le facteur humain
Dans le domaine de la sûreté, il est un aspect qu'on ne peut en aucun cas négliger, c'est le facteur humain.
Sur un bâtiment à propulsion nucléaire, la formation traditionnelle de spécialité complétée par un apprentissage "sur le tas" ne peut être suffisante. Le personnel ayant des responsabilités dans la conduite des installations nucléaires reçoit une formation particulière orientée sur l'emploi qu'il aura à tenir à bord. Ceci est vrai du commandant aux opérateurs.
L'École des applications militaires de l'énergie atomique de Cherbourg est chargée de l'enseignement théorique nécessaire à la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu par le fonctionnement du réacteur. Elle fait appel à de nombreux professeurs ou conférenciers civils et militaires de qualité et dispense, entre autres, un enseignement d'ingénieur en génie atomique. Ce diplôme est attribué par l'Institut national des sciences et techniques nucléaires.
À l'issue de cette formation théorique, un stage sur le prototype à terre de Cadarache permet aux ingénieurs et aux officiers mariniers de se familiariser avec une installation nucléaire réelle. Une installation nucléaire ne permet cependant pas de former le personnel à réagir à tous les incidents, il ne saurait en effet être question de faire fonctionner délibérément un réactuer dans des situations anormales. Aussi le recours aux simulateurs est-il systématiquement pratiqué au Centre d'entraînement et d'instruction des SNLE à Brest et à l'Ecole de navigation sous-marine pour les SNA à Toulon.
Ce sont les même simulateurs, aussi proches que possible des installations réelles, qui sont utilisés pour l'entraînement des équipes de quart des bâtiments. Il ne leur suffit pas, en effet, que les opérateurs soient individuellement instruits et entraînés, il est tout aussi nécessaire que les équipes de quart constituées soient homogènes et habituées au travail en commun. Cette qualification des équipages doit être maintenue dans le temps. Aussi, la qualification du personnel est-elle contrôlée en cours d'affectation. Le « permis de conduire » des opérateurs et des équipes de quart est périodiquement renouvelé.
Protection de l'environnement
Les bâtiments militaires à propulsion nucléaire n'échappent pas à la règle commune. Concevoir un matériel de haute sécurité, le servir avec un personnel très qualifié et prévoir des installations de soutien conçues suivant les mêmes normes de qualité n'est pas encore jugé suffisant, car c'est de l'installation nucléaire et de son environnement qu'il s'agit de garantir la sécurité.
Des études « de site et d'impacts » sont systématiquement entreprises par les préfets maritimes pour connaître et évaluer les interactions entre le réacteur et son environnement. Elles permettent d'identifier les dangers présentés par l'activité industrielle, aérienne, portuaire et maritime, vis-à-vis de chaque installation nucléaire au port-base ou en escale, pour prendre les mesures propres à s'en protéger et prévoir l'action des équipes d'intervention, la protection du personnel et l'information des autorités civiles et militaires. Toutes ces mesures sont complétées par une surveillance continue des sites dans lesquels sont implantées nos installations nucléaires. Des échantillons de faune et de flore sont prélevés périodiquement pour des analyses au cours desquelles est vérifiée l'absence de traces de radioéléments provenant de nos installations. C'est au groupe d'études atomiques de Cherbourg et aux sections de surveillances de site des ports qu'il revient de prélever les algues et végétaux, de pêcher les crustacés et les poissons qui serviront à ces analyses.
L'objectif est de vérifier l'efficacité des précautions prises et de garantir que le fonctionnement des installations n'a aucune incidence sur la santé des populations.
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Février 2001